BIENVENUE SUR LE SITE DE PHILIPPE DANVIN, AUTEUR DRAMATIQUE

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SCENE 1 : GUILLAUME et JEANNE

 

GUILLAUME, répondant au téléphone. – Oui, vieux. Je rentre à l’instant…Crevé…Une semaine infernale…J’espérais un week-end tranquille…Mais c’est déjà parti à cent à l’heure avec Jeanne. Salut. (Il raccroche.)

JEANNE, rentrant. – Alors, tu t’es éloigné pour trouver une réponse plausible ? Tu réfléchis ?

GUILLAUME. – C’est toi qui réfléchis. Que fait cette tente sur la pelouse ? Tu n’as pas répondu à ma question, Jeanne.

JEANNE. – Et toi, réponds à la mienne : pourquoi rentres-tu seulement aujourd’hui ?

GUILLAUME, embarrassé. – Le…le dossier a pris plus de temps que prévu.

JEANNE. – Je croyais que tu devais rentrer hier soir.

GUILLAUME. – Le…le patron m’a demandé de passer voir un client dans la région.

JEANNE. – Comment s’appelle-t-il ?

GUILLAUME. – Mais tu le connais son nom : Peinard, Hervé Peinard.

JEANNE. – Je ne te demande pas le nom de ton patron, c’est celui de ton client que je désire.

GUILLAUME. – Ah ! C’est de ce nom-là dont tu parlais.

JEANNE. – De quel nom crois-tu qu’il s’agissait : de celui de l’horrible Chihuahua de ton patron ?

GUILLAUME. – Quand tu penses qu’il l’accompagne régulièrement au bureau, on devrait réclamer.

JEANNE. – Tout comme moi : je te réclame le nom du client et tu essayes de noyer le poisson.

GUILLAUME. – C’est vrai qu’il en a un aussi sur son bureau. Il s’appelle Victor.

JEANNE. – Qui ? Ton client ?

GUILLAUME. – Non : le poisson rouge, il s’appelle Victor.

JEANNE. – Je me moque du nom du poisson rouge, c’est celui du client que je te demande et ne me rends pas celui du patron.

GUILLAUME. – Peinard, il s’appelle Peinard.

JEANNE. – Je sais, je ne sais même que ça, comme je connais par cœur ta rengaine : c’est nous qui faisons tout, lui il est bien…

GUILLAUME. – Peinard, il est bien peinard. C’est vrai qu’il ne fait pas grand-chose, il délègue beaucoup.

JEANNE, d’abord en aparté. – Changeons de stratégie. (Puis à Guillaume.). Il délègue donc. La preuve, il te demande de rendre visite à un client. Où ?

GUILLAUME. – A…à Poitiers.

JEANNE. – A Poitiers ? Et comment s’appelle-t-il ? Puisque j’ignore toujours son nom malgré plusieurs demandes.

GUILLAUME. – Mais je n’arrive pas à en placer une.

JEANNE. – Attends. Laisse-moi deviner, un client à Poitiers : Charles Martel ? Henri Sarrazin ?

GUILLAUME. – Tu te moques ?

JEANNE. – Non, c’est toi qui te moques de moi…car je mets clairement en doute tes absences régulières.

GUILLAUME. – Mais enfin, tu n’as pas confiance ?

JEANNE. – Si. Tu étais avec les Sarrazins à Poitiers aux côtés de Charles Martel. Et moi, j’attends toujours le nom de ton client.

GUILLAUME. – Elle est forte, celle-là : c’est toi qui ne réponds pas à ma question.

JEANNE. – Laquelle ?

GUILLAUME. – Que fait cette tente sur la pelouse ?

JEANNE. – Une tente ? Serait-ce celle de Charles Martel ou de Henry Sarrasin ?

GUILLAUME. – Tu vois : tu te moques !

JEANNE. – Une tente : des visiteurs venus du Moyen Age ?

GUILLAUME. – Laisse Christian Clavier jouer du piano et réponds : que fait cette tente sur la pelouse ?

JEANNE. – Clavier est pianiste ? Curieux : je l’aurais plutôt vu comédien…comme toi.

GUILLAUME. – Réponds : que fait cette tente sur la pelouse ?

JEANNE. – Ah oui, c’est vrai : il y a une tente mais c’est moi qui suis dans…l’attente du nom de ton client.

GUILLAUME. – Mais pourquoi veux-tu le connaître ?

JEANNE. – Par curiosité…surtout si c’est une femme.

GUILLAUME. –Rien de plus normal : diriger une entreprise, ce n’est pas qu’un métier d’homme.

JEANNE. – Une cliente donc…un joli dossier…pas trop épais…et tu t’étends régulièrement sur le sujet, je suppose ?

GUILLAUME. – Voilà : tu supposes, tu te fais des films…

JEANNE. – Avec Christian Clavier…

GUILLAUME. – Au piano et cela n’a ni queue ni tête.

JEANNE. – Si : la queue du piano, c’est un piano à queue, mon chéri.

 

SCENE 2 : GUILLAUME, JEANNE et INES

 

INES, rentrant et s’exprimant avec un accent espagnol. – Madame…Oh !...excusez-moi. Bonjour Monsieur.

GUILLAUME. – Bonjour. Qui êtes-vous ?

INES. – Je m’appelle Inès, je suis la remplaçante de Jeannine. Elle est malade.

JEANNE. – Que désirez-vous, Inès ?

INES. – Je ne trouve pas les produits d’entretien.

JEANNE. – Je vous ai dit que c’était dans le garage.

INES. – Ah oui, c’est juste. Excusez-moi. (Elle repart.)

GUILLAUME. – Une bonne avec un accent étranger : on se croirait dans une pièce de Feydeau.

JEANNE. – Une pièce de boulevard avec une cocue et des maîtresses ? C’est du vécu.

INES, revenant. – Madame, comment va-t-on au garage ?

JEANNE. – C’est la porte de droite quand on rentre dans le hall.

INES, repartant. – Merci.

GUILLAUME. – Elle est polie.

INES, revenant. – Madame, c’est quoi le hall ?

JEANNE. – L’entrée de la maison, le couloir d’entrée.

INES, repartant. – Merci.

GUILLAUME. – Vraiment très polie.

JEANNE. – Revenons au théâtre donc aux maîtresses, à la cocue et au mari coureur de jupons qui se croyait bien peinard.

INES, revenant. – Madame, il n’y a pas de porte à droite dans le hall. (Elle réfléchit, désigne la direction.)

JEANNE, s’énervant. – Mais c’est normal : la droite, c’est en rentrant. Ici, vous êtes à l’intérieur, donc c’est dans l’autre sens.

GUILLAUME. – C’est à gauche…(Puis en aparté.) Logique puisqu’elle a l’air un peu gauche ou mal…à droite.

INES, éclatant en sanglots et partant très vite. – Pardon, madame. Il faut m’excuser : il n’y a que deux ans que je suis en France, je ne comprends pas tout.

GUILLAUME. – Ne nous énervons pas.

JEANNE. – C’est toi qui m’énerves et c’est elle qui écope, la pauvre.

GUILLAUME. – Et comme dans les pièces de Feydeau, elle n’a pas l’air très futée. Bien, je vais aller me changer.

JEANNE. – Pour être peinard ? Non. Tu n’as pas encore répondu à ma question.

GUILLAUME. – Mais quelle question ?

JEANNE. – A propos de ta cliente. Comment s’appelle-t-elle ?

GUILLAUME. – Elle…elle s’appelle madame Leblanc.

JEANNE. – Madame ? Elle n’a pas de prénom ?

GUILLAUME. – Si mais je ne l’ai ni tutoyée…

JEANNE. – Ni appelée par son prénom ?

GUILLAUME. – Non.

JEANNE. – Parce que tu fais ça à la va-vite : pas de sentiments, pas le temps de s’attacher.

GUILLAUME. – ça devient franchement pénible, Jeanne.

JEANNE. – Oui : avec ta femme. Les moments agréables, c’est avec les autres.

GUILLAUME. – Des autres, il y en a visiblement sur la pelouse. Qu’y fait cette tente ?

JEANNE. – Puisque tu en reparles, je suis cette fois dans…l’attente de son prénom.

INES, revenant en pleurnichant. – Madame, l’eau, je la prends à la cuisine ?

JEANNE. – Non, Inès, vous allez en mettre partout. Il y a un robinet dans le garage.

INES, même jeu. – Mais j’ai peur de griffer la voiture. Il n’y a pas beaucoup de place.

JEANNE. – Ce ne sera pas bien grave : c’est celle de mon mari.

GUILLAUME. – Merci !

JEANNE. – Il rentre très vite sa voiture dans le garage.

GUILLAUME. – Je ne devais plus repartir : trois jours dehors, ça me suffit.

JEANNE. – Trois jours donc un de retard à cause d’une femme sans prénom.

GUILLAUME. – Un prénom, elle en a un comme tout le monde, comme cette dame devant qui tu nous donnes en spectacle.

JEANNE. – Un spectacle de boulevard avec une cocue et des maîtresses et une bonne avec un accent comme chez Feydeau, c’est ça ?

INES. – Mais je ne m’appelle pas Feydeau, je m’appelle Ramone, Inès Ramone.

GUILLAUME. – Eh bien, pour faire l’entretien, ce sera parfait. On dira Inès Ramone, même quand vous ferez autre chose.

INES. – Quand je ferai quoi ?

GUILLAUME. – Quand vous frotterez par exemple. On dira : même si elle frotte, Inès ramone.

JEANNE. – Ne l’écoutez pas, Inès, il se moque de vous.

GUILLAUME. – Mais je ne me moque pas. Et près de la cheminée, on dira : Inès ramone.

JEANNE, à Inès. – Il continue.

GUILLAUME. – Et quand elle fera l’entretien de la chaudière, on dira aussi Inès ramone

JEANNE, à Guillaume. – Vas-tu cesser ce jeu stupide, oui ou non ?

GUILLAUME, à Jeanne. – Mais c’est toi qui me parles de théâtre de boulevard. On est en plein dedans avec Inès Ramone.

INES. – Mais c’est mon nom de jeune fille comme vous dites. Mon mari est Français, il s’appelle Pierre Perret comme le chanteur.

GUILLAUME. – Mais c’est inespéré ce que vous nous dites là.

INES. – Oui, je m’appelle Inès Perret puisque mon mari s’appelle Perret.

GUILLAUME. – Comme Pierre. (A Jeanne.). Elle va bientôt nous chanter « Le zizi ».

JEANNE. – Parlons-en du zizi, de ton zizi.

INES. – Un zizi, c’est quoi un zizi ?

JEANNE, s’énervant. – Mais en voilà des questions, allez chercher votre eau au garage.

GUILLAUME. – Un zizi dans une histoire d’eau : du Feydeau…transposé au cinéma.

INES. – Mais j’ai peur de griffer la voiture.

GUILLAUME, ironique. – Ce n’est pas grave puisque c’est la mienne. Mais j’ai confiance en vous, Inès Perret.

INES, se remettant à pleurnicher. – Mais ce ne sera bientôt plus Inès Perret parce que mon mari m’a quittée.

JEANNE, en aparté. – Je commence à comprendre pourquoi. (A Inès.) Allez travailler maintenant, Inès Perret née Ramone.

INES. – Née Ramone ?

GUILLAUME. – Cela veut dire qu’avant de vous appeler Perret, vous vous appeliez Ramone.

INES. – Mais je m’appelle encore Ramone.

GUILLAUME. – Je sais. Je me suis mal exprimé. Mais vous ne savez vraiment pas ce qu’est un zizi ?

INES. – Il n’y a que deux ans que je parle le français. Je ne comprends pas tout.

JEANNE. – Et ça vaut mieux. Allez travailler.

GUILLAUME. – Remarquez que vous avez de la chance : Pierre Perret aurait pu donner un autre titre à sa chanson.

INES. – Un autre titre ?

GUILLAUME. – Oui : « La quéquette », par exemple.

JEANNE. – ça suffit, tu ne fais que l’embrouiller ! Laisse-la aller travailler.

GUILLAUME. – Soit. Laissons-la vaquer à ses occupations alors.

INES. – Vaquer ?

JEANNE, à Guillaume. – Arrête de te moquer d’elle.

GUILLAUME, à Jeanne. – Mais je ne me moque pas.

INES. – Madame, je…

JEANNE. – Oui, je sais, Inès, vous n’avez pas compris mais ce n’est pas grave, allez travailler.

INES, sortant. – Oui, Madame.